ACMy Marc Morand, 2020/2, B 10 Discours prononcé par Marc Morand, député sortant, à l’occasion de l’assemblée radicale des députés au Grand Conseil précédant de quelques jours les prochaines élections législatives. Fonctionnement du parlement cantonal et rôles des députés., 03.1945 (Série)

Contexte de plan d'archivage


Niveau:Série

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Cote:ACMy Marc Morand, 2020/2, B 10
Titre:Discours prononcé par Marc Morand, député sortant, à l’occasion de l’assemblée radicale des députés au Grand Conseil précédant de quelques jours les prochaines élections législatives. Fonctionnement du parlement cantonal et rôles des députés.
Période de création:03/1945

Zone du contenu et de la structure

Contenu:Savoir :
« Vous voudrez bien permettre à un député sortant, qui passe la consigne à de plus jeunes, dont l’avenir politique est derrière lui, d’émettre ce soir quelques considérations sur le rôle des députés, sur l’organisation de notre parlement et la situation de notre canton. Nombreux sont les citoyens qui ignorent les attributions des députés du Grand Conseil et le rôle important qu’ils sont appelés à y jouer.

Peut-être trouverez-vous prétentieux d’affirmer que les tâches que doivent résoudre les députés d’un parlement cantonal sont aussi importantes et compliquées que celles qui incombent aux députés de parlements de n’importe quel pays. Mais c’est une vérité. En effet, dans notre Confédération suisse, les cantons sont des Etats souverains, dont la souveraineté n’est limitée que par la Constitution fédérale et dans certains domaines seulement. Et comme tout Etat démocratique doit être régi par une constitution et des lois, il saute aux yeux de chacun que les mêmes problèmes législatifs se posent aux parlements, qu’ils soient les chambres d’un grand pays ou d’un Etat petit par son territoire et par sa population. Il n’y a aucune raison pour qu’une loi sur l’instruction publique par exemple soit plus difficile à élaborer pour un pays comme la France avec 40'000'000 habitants, que pour notre Valais avec ses 140'000 habitants. Il en est ainsi de toute l’œuvre législative, loi d’impôt, loi d’assistance, loi de police, lois sur les ponts et chaussées, loi sur le régime communal etc., code de procédure civile, pénale, organisation judiciaire, etc. La difficulté de mettre sur pied une loi ne réside pas dans le nombre d’individus auxquels elle s’appliquera, mais dans son contenu. C’est vous dire combien est sérieux l’acte souverain que le peuple valaisan va accomplir samedi et dimanche en élisant son parlement et son Conseil d’Etat.
Chers concitoyens, les députés que nous enverrons siéger au Grand Conseil n’auront pas une mission facile à remplir. Il ne leur suffira pas de voter ou de refuser les projets qui leur seront présentés par le Conseil d’Etat, non, ils devront se préparer à l’exercice de leur mandat par l’étude de notre législation actuelle, par l’étude comparée des législations et en faire, par un contact permanent avec les diverses classe de la population, les organismes qui la reproduisent, ils devront connaître et comprendre les aspirations du peuple, les étudier, les apprécier, pour être à même ensuite de créer les dispositions légales qu’imposeront les circonstances, les besoins nouveaux et surtout le progrès social dans une démocratie organisée. Les députés au Grand Conseil ont une triple tâche, celle du législateur, du contrôleur et de l’électeur. Législation : ce sont eux qui élaborent et votent les lois et les décrets, et souvent aussi les règlements d’exécution ; ce sont eux qui votent le budget annuel de l’Etat. Contrôle : chaque année, la gestion de l’Etat est soumise au contrôle et à l’approbation du Grand Conseil. Election : enfin, le Grand Conseil élit la plus haute autorité judiciaire du canton, le T.C. [Tribunal Cantonal] et a le droit de [illisible]. Beaucoup d’entre vous seront curieux de savoir comment fonctionne le rouage politique le plus important du canton, que l’on appelle en termes parlementaires « le Haut Parlement ». Ce fonctionnement est réglé par la Constitution et un règlement interne. Le Grand Conseil, élu tous les quatre ans, se réunit en session constitutive le troisième lundi de mars, et en session ordinaire le deuxième lundi de mai et le deuxième lundi de novembre. Il se réunit en session extraordinaire [selon] décision du Grand Conseil, Conseil d’Etat sur demande de vingt députés au moins.

[Notes en style télégraphique] Bureau composition : président, vice-président, deux secrétaires. Chaque projet de loi ou de décret. Le budget et la gestion sont accompagnés d’un message du Conseil d’Etat au Grand Conseil. Le Grand Conseil désigne ensuite la commission chargée de rapporter sur le projet (rapport français et allemand). Cette commission étudie le projet, nomme un rapporteur et fait son rapport au Grand Conseil. Vote sur l’entrée en matière et sur chaque article. Deux débats. Référendum. Chaque député a le droit de déposer une motion demandant au Conseil d’Etat un projet de loi ou de décret. Chaque député a aussi le droit d’adresser une interpellation au Conseil d’Etat. Commissions permanentes : gestion, budget et B.C. nommés par G.C. à séance constitutive et renouvelables par tiers (?) chaque année.
Ce simple résumé vous aura fait toucher du doigt l’importance de cet organisme. Et maintenant, quelques réflexions sur la situation de l’Etat et ce qui me paraît être le programme immédiat du futur parlement cantonal. Fortune de l’Etat au 31.12.1943 : actif = 29'000'000 francs ; passif = 51'883'486 francs. En 1943, excédent de dépenses = 867'643 francs, dont 470'000 francs d’amortissement pour une dette consolidée de 47'000'000 francs environ, soit 1 %, ce qui est absolument insuffisant. Budget pour 1945 : dépenses = 20'605'525 francs ; recette = 19’153'376 francs ; excédent dépenses = 1'452'149 francs ; amortissement = 230'000 francs, 0,5 %.

La situation n’est pas rose pour le canton qui se trouve en présence de tâches considérables à réaliser. Un homme politique a dit : « Donnez-moi de bonnes finances, et je vous ferai de la bonne politique ». Cette réflexion est toujours vraie. C’est pourquoi une des premières lois à remettre sur pied est la nouvelle loi des finances. Cette loi n’aura pas seulement pour but d’apporter de nouvelles ressources à l’Etat, mais elle devra prévoir une répartition beaucoup plus équitable des impôts : nous avons trop de matières fiscales insuffisamment touchées en Valais, la défalcation des dettes d’autre part doit être généralisée et appliquée non seulement à l’Etat, mais aussi aux communes (minimum d’existence ; dégrèvement pour charges de famille). Cette nouvelle loi implique la révision des taxes cadastrales. Il existe ici des injustices vraiment choquantes.
Parmi les œuvres également urgentes, notre gouvernement devra envisager la mise en vigueur de la nouvelle organisation judiciaire, la réforme du code de procédure pénale et la réorganisation des établissements pénitentiaires, ainsi que la création des établissements de relèvements prévus par le Code pénal suisse. Les mesures de protection concernant l’hygiène de nos populations doivent être augmentées. Depuis plusieurs années, nous avons demandé la refonte de toute notre législation en matière d’instruction. Il est tout particulièrement urgent et indispensable d’améliorer la qualité de notre artisanat en perfectionnant l’enseignement professionnel, mais il faut aussi améliorer notre enseignement commercial, pousser nos jeunes dans cette voie, afin de leur ouvrir les portes des bureaux de l’industrie et du commerce. Nos pouvoirs publics n’ont pas le droit non plus d’ignorer que l’après-guerre réservera peut-être, je dirai même probablement, des surprises désagréables à notre agriculture. Que vaudront nos fruits et nos vins ? Comment pourrons-nous les écouler ? Dès maintenant, ces problèmes doivent être étudiés et des solutions envisagées. Il en est de même de l’avenir de notre grosse industrie et de la main-d’œuvre. Si le chômage devait sévir, un programme de travaux publics doit être prêt à être appliqué. Gouverner, c’est prévoir. D’autre part, nos députés devront étudier la législation rendant obligatoires les combats collectifs de travail et les allocations familiales aux salariés et aux petits agriculteurs, avec l’intervention des employeurs. Assurance vieillesse et invalidité (Confédération).

Et maintenant, mes chers concitoyens, tous aux urnes dimanche pour le triomphe de la liste libérale-radicale du district de Martigny. Je connais les députés sortants, je les ai vus à l’œuvre et je puis affirmer ici que tous ont fait leur devoir et tenu avec honneur leur rôle. Quant aux nouveaux, nous les connaissons aussi et sommes bien certains qu’ils représenteront dignement notre district au parlement valaisan. Ils apporteront dans leurs interventions l’élan et l’enthousiasme de la jeunesse, tout en sachant s’enrichir de l’expérience des anciens et s’incliner devant les réalités souvent bien différentes de la théorie. Le parti libéral-radical valaisan s’est toujours montré à l’avant-garde du progrès au sein du Grand Conseil ; il a préconisé les réformes sociales les hardies, tout en restant dans les limites des possibilités de notre canton.
Malheureusement, parti de minorité, il n’a pas toujours pu faire aboutir ses revendications auprès d’une majorité restée trop réactionnaire jusqu’à ces dernières années. Aujourd’hui plus que jamais, nous devons savoir regarder en face les temps nouveaux avec les solutions nouvelles qui s’imposent. Les événements mondiaux que nous vivons créeront vraisemblablement un monde nouveau, dans lequel chacun devra apporter sa contribution à la reconstruction de l’édifice ébranlé. Mais pour que celui-ci soit habitable pour tous, il est indispensable qu’il soit l’œuvre non pas seulement d’une classe sociale ou d’un groupement confessionnel, mais l’œuvre de l’ensemble des citoyens à quelque classe, profession ou religion qu’ils appartiennent. Or, seul notre parti, démocratique par excellence et tolérant par principe, peut englober dans son sein tous les citoyens de bonne volonté, parce que seul aussi il ne prononce pas d’exclusion et demande de ses membres, non pas l’asservissement à une doctrine sociale ou religieuse, mais simplement la collaboration de chacun au lien de la collectivité et à la grandeur de notre patrie ».

Papier, 1 exemplaire manuscrit, avec corrections. Discours rédigé au verso des comptes 1942 de la Maison de santé de Malévoz à Monthey.
 

Utilisation

Fin du délai de protection:31/12/1945
Autorisation nécessaire:Aucune
Consultabilité physique:Sans restriction
Accessibilité:Publique
 

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