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ACMy Marc Morand, 2020/2, A 2 Discours de Marc Morand, président de Martigny-Ville, à l’occasion de l’inauguration de l’Hôtel de Ville, restauré et agrandi en 1949., 25.09.1949 (Document)
Contexte de plan d'archivage |
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Niveau: | Document |
Zone d'identification |
Cote: | ACMy Marc Morand, 2020/2, A 2 |
Titre: | Discours de Marc Morand, président de Martigny-Ville, à l’occasion de l’inauguration de l’Hôtel de Ville, restauré et agrandi en 1949. |
Dates |
Période de création: | 25/09/1949 |
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Support |
Support / Träger: | Papier, 2 exemplaires dactylographiés avec corrections manuscrites. |
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Zone du contenu et de la structure |
Contenu: | Savoir : « Mesdames, Messieurs, Chers concitoyens, le Conseil communal de Martigny-Ville a tenu à conférer un caractère officiel et solennel à cette journée ; c’est pourquoi, il salue et remercie de tout cœur ceux et celles qui ont bien voulu être des nôtres en cette circonstance. Nous saluons tout particulièrement les éminentes personnalités qui ont répondu si aimablement à notre invitation : M. Marcel Gard, président du Conseil d’Etat ; M. Henri Carron, président du Grand Conseil ; Monseigneur Adam, Révérendissime Prévôt de la Maison du Grand-Saint-Bernard ; M. Louis Couchepin, juge fédéral ; M. René Spahr, président du Tribunal cantonal ; M. Maurice Troillet, conseiller d’Etat et conseiller aux Etats ; M. le conseiller national Camille Crittin ; M. Henri de Ziegler, président de la Société des écrivains suisse ; M. Daniel Baud-Bovy, ancien président de la Commission fédérale des beaux-arts ; M. le Docteur Alfred Comtesse, président de la Chambre valaisanne de commerce ; M. Maurice Jeanneret, critique d’art ; M. Maurice Zermatten, écrivain ; Mme Corinna Bille, écrivain ; M. Maurice Chappaz, écrivain ; M. Albert Wolff, conservateur des musées cantonaux ; M. le Révérend Prieur Besson ; M. Marcel Gross, président du Tribunal des districts de Martigny et Saint-Maurice ; M. André Desfayes, député ; M. Edouard Saudan, juge de la Commune de Martigny-Ville ; les Présidents des Communes du district de Martigny. Nous saluons aussi les représentants de la presse, qui, par la relation dans leur journal de cette cérémonie et de ce qu’ils auront vu, perpétueront le souvenir de cette date mémorable pour notre Ville. Vous me permettrez enfin de rappeler la mémoire de deux magistrats, récemment enlevés à l’affection de leurs familles et de leurs concitoyens, qui eussent été heureux de partager notre joie aujourd’hui : j’ai nommé M. Thomas, préfet du district de Martigny et M. le conseiller Charles Girard. Le premier a toujours témoigné une grande sympathie au chef-lieu du district et le second, Martignerain de vieille roche, mon collègue pendant vingt-huit ans au sein du Conseil municipal, fut un membre assidu et enthousiaste de la Commission de restauration de notre Hôtel de Ville. A tous deux vont nos pensées émues. |
| Mesdames, Messieurs, l’idée de la construction d’une maison de commune à Martigny-Ville remonte aux années 1841-1843, peu après la séparation de la Commune de Martigny-Ville d’avec celle de Martigny-Bourg. Dès 1843, des démarches furent entreprises par la Municipalité auprès du Prieur de Martigny pour l’acquisition de son jardin potager sur lequel devait s’édifier vingt-trois ans plus tard la maison communale. Après de laborieux pourparlers et des difficultés sans nombre qui portèrent la question au Conseil d’Etat et au Grand Conseil, la Commune de Martigny-Ville put enfin acquérir le jardin du Prieuré contre la cession d’autres parcelles de terrain. Cette convention, conclue en 1850, fut soumise à l’approbation du Saint-Siège, qui la ratifia. De nouveaux obstacles surgirent lorsqu’il s’agit de passer à l’exécution du projet de construction. D’autres emplacements furent proposés, le coût de l’œuvre fut l’objet de nombreuses objections ; dans leurs mémoires, les opposants qualifiaient pompeusement la future bâtisse d’Hôtel de Ville, tandis que la Municipalité déclarait, au contraire, qu’il n’était question que d’une modeste maison de commune. La Municipalité et la Bourgeoisie, qui formaient à cette époque deux administrations distinctes, discutèrent longtemps de la proportion dans laquelle elles entendaient participer aux frais de la construction. Finalement – nous sommes en 1858 – la Municipalité, présidée par Valentin Morand, et la Bourgeoisie, à la tête de laquelle se trouvait Alexis Gay, aboutirent à une convention et élaborèrent un projet de construction. Appelée à se prononcer sur ce projet et l’emplacement du futur édifice à l’endroit actuel, l’ assemblée primaire du 10 juin 1858 [10.06.1858] balaya le projet à l’unanimité moins huit voix. Cependant, nos autorités communales ne se tinrent pas pour définitivement battues. Après avoir laissé l’affaire sommeiller quelques temps, elles la reprirent en main. Elles se heurtèrent de nouveau à de fortes oppositions ; des pétitions contre et pour la construction furent adressées aux deux conseils. Ce n’est que le 18 mars 1866 [18.03.1866] que les assemblées municipales et bourgeoisiales se montrèrent, par 117 oui contre 14 non, favorables à la construction projetée sur l’ancien jardin du Prieuré. La Bourgeoisie prenait à sa charge les 3/5 des frais et la Municipalité les 2/5. A cette époque, la Municipalité était présidée par Louis Closuit, qui avait succédé à Valentin Morand, décédé en 1864, et la Bourgeoisie par Charles Morand. Me permettrez-vous de vous signaler, en passant, que des sept conseillers communaux actuels, quatre sont les descendants de ceux qui furent les initiateurs de la construction de l’Hôtel de Ville, à savoir : MM. Adrien Morand, Pierre Closuit, Henri Chappaz et moi-même. |
| Les travaux commencèrent immédiatement et furent conduits avec célérité. Dès la fin de 1867, ils étaient achevés. Outre la Municipalité, la Bourgeoisie et le Tribunal du district, le bâtiment communal abritait les écoles primaires de la localité et comprenait une grande salle communale. Le Tribunal y demeura jusqu’en 1921, époque à laquelle, l’Hôtel de Ville étant devenu trop exigu, il prit ses quartiers dans le bâtiment de l’ancien Hôtel Clerc, que venait d’acquérir la Municipalité. Une partie des écoles primaires y restèrent jusqu’à l’édification du collège municipal [bâtiment scolaire de la Ville], inauguré en 1936. Après la construction de son nouveau collège, la Municipalité estima le moment venu de réinstaller le Tribunal à l’Hôtel de Ville ; mais, auparavant, elle entendait restaurer ce bâtiment, dont l’état et la distribution des locaux ne répondaient plus aux besoins du jour. Elle fit établir un premier projet de rénovation que la guerre mondiale, survenue peu après, empêcha de réaliser. Dès la fin des hostilités, le Conseil municipal se remit à la tâche. C’est ainsi que, muni de l’autorisation de l’ assemblée primaire, il put commencer, dès l’automne 1947, les travaux de rénovation et d’agrandissement de l’édifice, travaux dont nous célébrons l’achèvement aujourd’hui. Les plans et la direction de ceux-ci furent confiés à l’architecte Léon Mathey, un enfant de Martigny auquel nous nous plaisons à rendre hommage pour le goût, l’intelligence et le dévouement qu’il a su mettre dans l’accomplissement de sa tâche, rendue d’autant plus difficile et ingrate qu’il était lié par les anciennes dispositions du bâtiment à restaurer. Les travaux de construction et d’aménagement furent exécutés exclusivement par des entrepreneurs et maîtres d’état de la localité. Nous sommes heureux de pouvoir leur donner, aujourd’hui, le témoignage public de notre satisfaction, témoignage auquel vous vous associerez certainement lorsque, dans quelques instants, vous aurez visité les lieux. Nos entrepreneurs et artisans ont confirmé leur réputation, en nous fournissant une fois de plus la preuve de leurs excellentes connaissances professionnelles et du travail bien accompli. Honneur aussi aux ouvriers, précieux collaborateurs de leurs patrons. Tous ont mis leur intelligence et leurs forces pour faire ce bâtiment, une Maison de Ville qui fait honneur à notre localité. |
| Mesdames, Messieurs, l’édifice rajeuni, restauré, agrandi, répondant aux besoins et aux exigences d’aujourd’hui, il restait, pour parfaire l’œuvre architecturale, à apporter dans ce cadre austère un décor dédié à la cité, une sorte de grand poème épique qui exprimerait leur amour pour leur Ville et qui parlerait au cœur et à l’esprit, non seulement des contemporains, mais aussi des générations suivantes. Ne voit-on pas de même, autour de nous, tel propriétaire qui, après avoir transformé son immeuble, songe à le rendre plus avenant pour lui et sa descendance, en y apportant un mobilier de bon goût, en ornant ses chambres de tableaux et de gravures ! Il ne pouvait être question ici de décorer les nouveaux locaux. C’eut été disperser inutilement nos moyens et accumuler les frais. L’architecte, d’accord avec le Conseil communal, avait compris dès le début qu’il convenait de donner à la cage du nouvel escalier une belle ampleur. Il s’agissait de consacrer ce vaste espace, le cœur même de l’édifice municipal, au lumineux et gigantesque tableau que nous inaugurons aujourd’hui. Vos autorités n’ont pas hésité devant l’effort à faire pour couronner l’œuvre de la restauration, et souligner par ce geste civique l’importance que dit revêtir dans la cité la nouvelle Maison de Ville. Il s’agissait pour nous de trouver un maître d’œuvre qualifié, de le mettre en face de cette grande tâche, de rencontrer l’artiste capable d’exprimer sur cette vaste surface et dans une formule populaire, l’histoire, la vie même, le passé et l’avenir de Martigny. |
| Edmond Bille, que nous avons le grand plaisir de saluer ici entouré de ses proches, devenu l’un des nôtres et dont presque toute la carrière s’est déroulée en Valais, a répondu à notre appel. Sa tâche était difficile, le problème à résoudre offrait maintes difficultés. Dès l’automne 1947, l’artiste s’est mis à l’œuvre avec passion, et après deux années de travail, aidé de collaborateurs dévoués et d’ouvriers consciencieux, il a pu doter notre Hôtel de Ville d’une grande verrière qui, de son aveu même, est la page capitale de sa vie d’artiste. Lui seul pourrait nous dire les luttes, les efforts, les doutes, mais aussi les joies qu’une telle œuvre représente dans sa carrière. De notre côté – il nous l’a répété à plusieurs reprises – nous avons tenu à lui faciliter la tâche en lui laissant pleine liberté pour entreprendre son travail et le mener sans contrainte jusqu’au bout. Il nous a paru que l’artiste choisi, et auquel nous avons d’emblée fait entièrement confiance, il nous a paru, étant donné la réputation d’Edmond Bille, que nous devions nous abstenir d’intervenir dans des questions artistiques, et de ne pas contrarier le peintre dans l’élaboration et l’exécution de son œuvre. Il nous en a, dès le début, tracé des esquisses réduites, le plan d’ensemble, et nous a donné les raisons et les explications motivant les scènes et le thème général de sa composition. Nous l’avons approuvé et soutenu. Nous nous sommes rendus à deux reprises à l’invitation de l’artiste qui désirait nous faire voir, dans les ateliers du maître verrier Renggli à Lucerne, que nous saluons aussi parmi nos invités, à quoi en étaient les travaux en cours. Nous avons pu, sur place, en mesurer toute l’ampleur et tout le développement. Edmond Bille nous a initiés lui-même à la technique compliquée du vitrail, depuis le choix des verres jusqu’à la cuisson de chaque pièce et sa mise dans les plombs. Nous avons pu nous rendre compte, de visu, ce que représente d’efforts, de manipulation et de connaissances techniques, la traduction sur le verre d’une composition de cette envergure. L’artiste a bien voulu nous exprimer sa reconnaissance de ne l’avoir pas entravé dans son travail, ajoutant que notre discrétion durant ces deux années fut un facteur essentiel de sa réussite. |
| A notre tour, nous pouvons lui dire aujourd’hui combien nous sommes heureux de savoir que notre amicale et confiante collaboration apportait à l’œuvre en cours un élément précieux. Mais nous sommes heureux surtout d’avoir pu lui offrir, dans une mesure aussi large, la joie de voir enfin son rêve de prime jeunesse prendre corps. Au cours de ses études à Florence, le jeune Edmond Bille, en voyant des peintres occupés à restaurer des fresques de Ghirlandaio [Domenico Ghirlandaio 1448-1494], ambitionna lui aussi de créer, un jour et dans son pays, une grande œuvre qui, ainsi qu’on l’a écrit ailleurs, serait comme un monument, entretenue comme tel, continuant de vivre de l’hommage quotidien d’un peuple. N’a-t-il pas écrit lui-même, beaucoup plus tard, que l’œuvre née précaire n’existe, ne s’épanouit et surtout ne dure que par le vouloir de la foule ? N’est-ce pas évoquer l’époque magnifique du Quattrocento italien, alors que les plus modestes bourgades rivalisaient de zèle pour offrir à leurs artistes les seuls dons pouvant vivifier leur génie et permettre leur essor : « Il y aura toujours assez d’artistes pour créer des œuvres. Mais elles resteront sans lendemain s’il y a trop peu de mains tendues et trop peu de cœurs ouverts pour les accueillir » écrivait l’auteur du vitrail dans un livre récent. |
| C’est cette œuvre, dans laquelle, Edmond Bille, vous avez mis tout votre talent, toute votre science, tout votre cœur, que nous accueillons aujourd’hui. Nous la recevons au nom du Conseil municipal, au nom de la population tout entière. Vous avez su inscrire, au centre même de notre Ville, dans une page lumineuse, tout le passé de Martigny, de l’Octodure romaine à la petite ville que nous aimons, et dont le labeur journalier s’accompagne des rumeurs fécondes du Rhône et de la Dranse. Vous avez su montrer nos saisons ensoleillées ; nous avez dit nos luttes où nous fûmes, tour à tour, vainqueurs ou vaincus, mais dans l’honneur ; la fièvre ardente de nos prises d’armes révolutionnaires, notre soif d’indépendance et de liberté, l’élan qui nous porta aux frontières deux fois menacées en 1914 et 1939 ; le miracle qui nous permit, tout en montant une garde vigilante, de tendre des mains secourables aux malheureux poursuivis jusque sur nos sommets. Et, au milieu de ce tumulte, de ces passions où s’agitent des hommes qui portèrent les aigles romaines ou les drapeaux de Bonaparte, à travers la célèbre voie Pennine, vous avez tenu à mettre le geste de paix, le signe du pardon et de l’amour : la grande figure de Saint Bernard de Menthon terrassant le Mal, esquissant dans un ciel apaisé le signe de la concorde et de la Rédemption. L’Histoire, comme vous l’avez inscrit au centre d’un des vitraux, aura-t-elle le pouvoir « d’éclairer et de réconcilier les hommes ». Il ne nous déplaît pas de voir gravée, en lettres indélébiles, cette formule qui peut sembler aujourd’hui téméraire et prématurée. Mais la grande page des saisons, où murmurent le Rhône et la Dranse, où se déroule le film coloré et si vivant des travaux et des âges, relie le passé à l’avenir ; elle affirme la continuité de notre labeur ; elle souligne nos droits et nos devoirs dans la communauté, pour le bien et l’honneur de la cité. |
| Grâce à votre pinceau, voilà nos annales transcrites dans une matière indestructible et somptueuse. Puisse le message que nous apporte la grande fresque flamboyante du nouvel Hôtel de Ville de Martigny être entendu de nous tous et, plus sûrement que l’Histoire elle-même, puisque le vitrail est fait pour durer, garder à travers les temps, son pouvoir d’éclairer, d’apaiser, et de rapprocher les hommes ! Et maintenant, population de Martigny, qui, par votre compréhension et la confiance que vous avez placée en vos autorités, nous avez permis la réalisation du grand œuvre qui nous tenait tant à cœur, nous vous exprimons notre profonde gratitude ; nous vous donnons l’assurance que, dans notre nouvelle Maison de Ville, nous continuerons à consacrer nos efforts au bien de notre chère cité, dans l’union et la concorde de tous. » |
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Utilisation |
Fin du délai de protection: | 31/12/1949 |
Autorisation nécessaire: | Aucune |
Consultabilité physique: | Sans restriction |
Accessibilité: | Publique |
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URL: | https://scopequery.vs.ch/detail.aspx?ID=396224 |
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