ACMy Marc Morand, 2020/2, A 3 Discours de Marc Morand, président de Martigny-Ville, à l’occasion du 80e anniversaire d’Edmond Bille, maître verrier, artiste créateur de la Verrerie de l’Hôtel de Ville., 21.09.1957 (Document)

Contexte de plan d'archivage


Niveau:Document

Zone d'identification

Cote:ACMy Marc Morand, 2020/2, A 3
Titre:Discours de Marc Morand, président de Martigny-Ville, à l’occasion du 80e anniversaire d’Edmond Bille, maître verrier, artiste créateur de la Verrerie de l’Hôtel de Ville.

Dates

Période de création:21/09/1957

Support

Support / Träger:Papier, 1 exemplaire dactylographié, avec corrections manuscrites.

Zone du contenu et de la structure

Contenu:Savoir :
« Mesdames, Messieurs, M. Henri Chappaz, président du Comité d’organisation de cette exposition, que des liens de famille unissent à M. Edmond Bille, a, par un sentiment que vous comprendrez « préféré que ce soit le président de Martigny qui se fasse » le porte-parole du comité pour prononcer l’éloge et accueillir le maître dans cet Hôtel de Ville, et lui dire aussi combien nous lui sommes reconnaissants d’avoir bien voulu permettre de nous associer à la célébration du 80e anniversaire d’un homme qui a enrichi d’une valeur inestimable le patrimoine artistique de notre cité, laquelle jusqu’alors, on peut bien le dire, faisait vraiment figure de parent pauvre parmi les bourgades valaisannes.

Cher Maître, Sierre et toute sa contrée dont vous avez fait votre patrie d’élection, viennent de vous fêter en vous exprimant leur admiration et leur gratitude. Vos brillantes qualités d’artiste et d’écrivain ont été mises en relief de magistrale façon par M. Elie Zwissig, président du Comité d’organisation de cette fête, par Son Excellence Monseigneur Haller, abbé de Saint-Maurice, dont vous avez orné la basilique de vitraux splendides, et je n’oublierai pas l’excellent et savant article que M. F. de Preux vous a consacré dans la plaquette éditée à cette occasion, ni celui qui a paru ce matin même dans « Le Nouvelliste » sous la signature de M. A. Theytaz. Tous ces compliments sont sortis du cœur et auront été pour vous la meilleure des récompenses d’une vie entièrement vouée à l’art, celle d’un homme dont les talents multiples se sont épanouis en même temps dans la peinture, dans l’art du vitrail, de la mosaïque et dans les lettres. Après tout ce qui a été dit et écrit d’élogieux à votre égard ces derniers jours, je confesse en toute humilité et franchise que je ne saurais rien ajouter qui puisse encore accroître votre renommée, sans risquer de tomber dans des redites qui sont souvent fastidieuses pour celui qui en est l’objet. Je pourrai tout au plus, comme homme politique, mais ce n’est pas mon propos de ce jour, faire une allusion discrète à vos brèves incursions dans le forum, lesquelles s’expliquent par la vitalité extraordinaire et le tempérament fougueux de votre personnalité et aussi par votre bon cœur. C’est là un témoignage de plus de votre puissante personnalité qui ne peut rester indifférente à quoi que ce soit et qui a parfois besoin d’éclats et de débordements pour que se rétablisse ensuite l’équilibre entre la vie avec ses réalités et le génie avec ses chimères.
Cher M. Bille, il y a huit ans, exactement le 25 septembre 1949 [25.09.1949], notre cité fêtait dans l’enthousiasme l’inauguration de notre Hôtel de Ville restauré et agrandi. Comme aujourd’hui, nous avions le grand plaisir de vous saluer, car le clou de cette manifestation, c’était la présentation à nos éminents invités et à notre population, de la grande verrière qui orne cette maison, une de vos œuvres dont vous avez vous-même déclaré, à l’époque, qu’elle était la page capitale de votre vie d’artiste. Ces vitraux qui vous ont coûté deux ans d’étude et de travail sont le fruit de votre talent et de votre imagination créatrice à laquelle nous avons, de propos délibéré, laissé libre cours, après avoir approuvé, dans ses grandes lignes le plan général de leur composition. Nous nous flattons de cette attitude, car, en vous faisant confiance absolue dans le domaine qui est le vôtre, nous avons donné à l’artiste cette liberté de conception et de réalisation qui fut un facteur essentiel de la réussite de ce grand œuvre. Le génie, pour être créateur, doit prendre sa puissance en lui-même ; ce n’est pas l’inspiration d’autrui, c’est la sienne propre qui peut être ce souffle de vie, sans lequel l’artiste n’est plus qu’un copiste ou un imitateur.

Dans son admirable article « Edmond Bille et la Terre valaisanne », M. F. de Preux relève dans vos vitraux le sens exceptionnel de la couleur et de ses contrastes ou harmonies. Observation d’une justesse et d’une finesse remarquables qui s’applique en tous points à la grande verrière que nous avons devant nos yeux et qui nous permet de mieux admirer et saisir la magie de son coloris. Et puis, cher maître, à la base de cette vaste composition qui s’inscrit, sans conteste, parmi les chefs d’œuvre de votre longue et fructueuse carrière, il a fallu votre connaissance des choses du Valais et tout votre cœur. Vinet [Alexander Vinet 1797-1847], le penseur si profond et si vrai, n’a-t-il pas écrit : « Une pensée forte, un ferme savoir sont les premières conditions de l’art ».

Vous ne m’en voudrez pas et mes autres auditeurs non plus si, à huit ans de distance, je me permets de relire un court passage de l’allocution que je prononçais lors de l’inauguration de ce vitrail. Je vous disais : « Vous avez su montrer nos saisons ensoleillées ; nous avez dit nos luttes où nous fûmes, tour à tour, vainqueurs ou vaincus, mais dans l’honneur ; la fièvre ardente de nos prises d’armes révolutionnaires, notre soif d’indépendance et de liberté, l’élan qui nous porta aux frontières deux fois menacées en 1914 et 1939 ; le miracle qui nous permit, tout en montant une garde vigilante, de tendre des mains secourables aux malheureux poursuivis jusque sur nos sommets. Et, au milieu de ce tumulte, de ces passions où s’agitent des hommes qui portèrent les aigles romaines ou les drapeaux de Bonaparte, à travers la célèbre voie Pennine, vous avez tenu à mettre le geste de paix, le signe du pardon et de l’amour : la grande figure de Saint Bernard de Menthon terrassant le Mal, esquissant dans un ciel apaisé le signe de la concorde et de la Rédemption. »
Quelques semaines plus tard, M. le Maréchal de Lattre de Tassigny, de passage à Martigny, s’arrêta, extasié, devant le nouveau vitrail et, dès son retour à Paris, m’exprima, en des termes on ne peut plus chaleureux, dans une lettre que je conserve précieusement, toute son admiration pour cette merveilleuse composition, laquelle, écrivait-il, éclaire d’une lumière terrestre et spirituelle le grand escalier de notre Hôtel de Ville. D’années en années, les visiteurs se font plus nombreux ; ils s’inclinent avec respect devant la puissante et vaste fresque allégorique du premier étage, ils laissent cours à leurs compliments en contemplant la partie historique et si coloriée du deuxième étage et, enfin, ils ne peuvent s’empêcher de comparer aux plus beaux vitraux de nos cathédrales ceux qui ornent le rez-de-chaussée. C’est ainsi que l’œuvre magistrale du peintre-verrier fait le plus grand honneur à son auteur et à notre cité et c’est pourquoi nous sommes heureux et fiers de recevoir dans cette maison, déjà tout imprégnée du génie du maître Edmond Bille, une exposition de plusieurs de ses œuvres picturales, qui permettra à notre population d’encore mieux le connaître et l’apprécier.

Cher Monsieur Bille, pendant sa récente campagne électorale, le chancelier Adenauer qui est un peu votre combourgeois puisque, si l’on en croit les journaux de cette semaine, il aurait, pendant de nombreuses années, choisi Chandolin pour y passer ses vacances, M. Adenauer, dis-je, questionné, vu ses 81 ans, sur ses projets de retraite répondit : « Ne vous inquiétez pas à ce sujet, les médecins ont démontré que la partie la plus résistante du corps humain est le cerveau. Il est créé pour 130 ans ». Cette réponse doit vous remplir d’aise, vous dont l’âge approche celui du grand homme d’Etat et qui avez conservé, comme lui, toutes vos facultés. L’heure de la retraite n’a pas sonné. Nous souhaitons que pendant plusieurs années encore vous puissiez faire bénéficier note pays et tous les amis de la beauté de votre magnifique talent et que, entouré de l’affection de Mme Bille, de vos enfants et de vos nombreux amis, vous jouissiez d’une heureuse et douce vieillesse, avec la grande satisfaction d’une carrière prodigieusement bien remplie ».
 

Utilisation

Fin du délai de protection:31/12/1957
Autorisation nécessaire:Aucune
Consultabilité physique:Sans restriction
Accessibilité:Publique
 

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