ACMy Marc Morand, 2020/2, C 1.4 Discours de Marc Morand, président de Martigny-Ville, à l’occasion de la Fête nationale suisse ou Fête du premier août., 01.08.1942 (Document)

Contexte de plan d'archivage


Niveau:Document

Zone d'identification

Cote:ACMy Marc Morand, 2020/2, C 1.4
Titre:Discours de Marc Morand, président de Martigny-Ville, à l’occasion de la Fête nationale suisse ou Fête du premier août.

Dates

Période de création:01/08/1942

Support

Support / Träger:Papier, 1 exemplaire dactylographié avec corrections manuscrites.

Zone du contenu et de la structure

Contenu:Savoir :
« Mes chers concitoyens, il y a un an, à cette même heure et dans le recueillement, nous entendions venant de Schwytz, la voix de nos plus hauts magistrats célébrer le 650e anniversaire de la naissance de la Confédération suisse, nous apportant malgré la dureté et l’incertitude des temps des paroles de confiance en les destinées de notre chère patrie. Nous nourrissions tous, alors, l’espoir que l’année 1942 verrait se terminer, ou tout au moins approcher sa fin, le drame sans précédent dans l’histoire qui ensanglante l’humanité, mettant aux prises deux conceptions opposées de la vie et lequel, quelle qu’en soit l’issue, aura été le signal d’une profonde révolution économique, politique et sociale, fixant le statut de l’Europe, peut-être pour plusieurs siècles. Hélas, en cette année 1942, la guerre continue avec le même acharnement, et personne ne sait ni quand ni comment elle se terminera. Même si elle épargne notre pays, elle n’en est pas moins un redoutable garde à vous et, en cette soirée patriotique, il me paraît utile que de cette tribune tombent, non pas des paroles propres à créer dans vos esprits une illusion trompeuse, mais des paroles de vérité et de réalisme, mais les réflexions graves qui s’imposent en face des événements tragiques qui bouleversent les pays et des périls qui menacent notre existence nationale.

Mes chers concitoyens, la condition première de la sauvegarde de notre indépendance est la solidarité et l’union entre citoyens. Soyons unis pour travailler, chacun à son poste et selon les moyens, à l’œuvre commune pour apporter chacun sa contribution à l’édifice qui va s’élever dans une Europe nouvelle. Nous sommes tous appelés à être les ouvriers de l’œuvre de demain. Arrière les discussions stériles. Cherchons ce qui nous unit et oublions ce qui peut nous diviser. N’est-il pas criminel de se quereller lorsqu’on a les mêmes convictions de base et que si l’on va au fond des choses, on constate que ce sont presque toujours des questions secondaires de méthode qui nous séparent. Ayons de la confiance les uns dans les autres, ne nous prêtons pas les uns aux autres je ne sais quelles intentions et quelles combinaisons malveillantes, lesquelles trop souvent n’ont jamais existé que dans les imaginations de personnages avides de luttes politiques mesquines, là où pourrait régner la concorde et la paix pour le plus grand bien de tous. Sachons placer la patrie au-dessus des opinions.
L’histoire de la Suisse a démontré que chaque fois que notre peuple a été désuni, son indépendance a été menacée et, qu’au contraire, lorsqu’il a su faire trêve aux querelles intestines pour se grouper derrière son drapeau et ses chefs, il a triomphé de tous les périls. Cette volonté d’union a été la principale raison d’être du pacte fédéral de 1291 et celui plus important encore de 1315 [pacte de Brunnen signé après la bataille de Morgarten]. Mais cette union ne sera véritablement féconde que si elle est agissante, si elle se manifeste par la vraie solidarité, si les intérêts particuliers cèdent le pas à l’intérêt général, donnant ainsi au monde le témoignage qu’au-dessus de la communauté du sang, de la langue et de la race, il existe chez un petit peuple un idéal commun : l’indépendance du pays et la liberté dans l’ordre.

Et ici, j’en arrive à vous parler de notre armée, gardienne de nos foyers et sauvegarde de nos libertés. Sans doute ses moyens ne sauraient être comparés à ceux des grands pays, et il faudrait un enfant pour croire qu’attaquée par une grande puissance, notre armée ne finirait pas par succomber sous les coups répétés d’un ennemi de dix ou vingt fois supérieurs en nombre. Mais il est une vérité qu’on ne proclamera jamais assez, c’est que plus notre armée sera prête et organisée, moins nous risquerons de voir nos frontières violées, car ceux qui pourraient avoir des velléités de nous attaquer sauront qu’il faudra y mettre le prix. Les dépenses militaires qui pèsent si lourdement sur notre peuple depuis le début du service actif sont donc une véritable prime d’assurance contre les risques d’invasion, et criminel serait le citoyen suisse qui regretterait le sacrifice financier qu’on lui demande à cet effet. Mais même si nous devions soutenir une lutte à mort contre un puissant ennemi, nous ne courberons pas devant la force et la brutalité. Et, ne fut-il plus au monde qu’un peuple qui conservât le respect du droit et des règles de l’honneur, il faudrait que ce fut le peuple suisse.

En montant une garde vigilante à nos frontières et à l’intérieur du pays, notre armée contribue non seulement largement au maintien de notre indépendance nationale, mais aussi par contre-coup à la conservation de nos libertés individuelles, bien le plus précieux de l’homme et sans lesquelles la vie ne vaudrait pas la peine d’être vécue. Nous devons, si nous voulons que la Suisse ait sa raison de subsister, nous opposer avec une énergie farouche à toutes les doctrines contraires à la liberté. Nous ne voulons pas – les exemples sont hélas trop nombreux – que nos libertés étranglées par la main de fer de l’envahisseur soient reléguées dans le musée des vieilles idées ; nous ne voulons pas non plus que cet étatisme qui fait litière de la personnalité humaine la rabaissant au rôle d’une machine inconsciente puissamment actionné par lui. Mieux vaut périr glorieusement que vivre un seul jour dans la servitude. La Suisse demeurera un pays libre ou ne sera plus.
Mais la liberté ne peut être maintenue qu’au prix d’un constant effort de la volonté. Il faut savoir allier l’ordre et la liberté, concilier les exigences de la liberté individuelle avec la nécessité de la discipline collective. La liberté ne se conçoit pas sans le respect de l’ordre, car elle devient alors licence : elle doit être endiguée par la loi, si elle ne veut pas tomber dans les abus de l’arbitraire. Nous sommes un peuple de démocrates et non de démagogues. Il importe donc, dans une démocratie saine, que le peuple fasse confiance aux chefs qu’il s’est librement choisis, qu’il sache que l’autorité qu’il leur a conférée est pour eux non seulement un droit, mais surtout et avant tout un devoir, et qu’il obéisse aux lois qui régissent la nation. La prétendue liberté qui s’oppose à l’ordre n’est pas autre chose que la révolution, et nous n’en voulons pas, car ce serait bientôt la fin de la Suisse et notre patrie doit vivre. Les régimes passent, le pays demeure.

Mes chers concitoyens, au milieu d’une Europe ensanglantée, nous avons l’immense privilège d’être encore un oasis de paix. Notre imagination est-elle capable de réaliser dans quels affreux tourments sont plongés les peuples en guerre, quelles sont les angoisses des épouses et mères dont les maris et les fils, soldats de leur pays, s’exposent quotidiennement à périr sur les champs de bataille, souvent très loin de leur foyer, quels sont les terribles résultats des bombardements aériens massacrant les populations innocentes et pulvérisant leurs demeures, en un mot : nous imaginons-nous les épreuves de toutes sortes que la plus grande guerre de l’histoire apporte avec cruauté à une grande partie de notre humanité ? Inclinons-nous devant ces grandes détresses, faisons un retour sur nous-mêmes, demandons-nous si nous méritons note situation enviable entre toutes, et bénissons humblement la Providence qui protège si manifestement notre chère patrie. En retour de ces bienfaits, nous accepterons avec bonne humeur les sacrifices qui s’imposent déjà à chacun de nous et qui s’accumulent encore à un rythme accéléré : ils sont bien peu de chose à côté des souffrances des pays belligérants.
Faisons preuve de discipline par un effort de volonté continu, plions-nous sans récriminer aux restrictions que comportent nos possibilités économiques, abstenons-nous de critiquer les mesures des autorités, et en particulier des offices de guerre, dont la tâche est si difficile et ingrate, rendons au contraire un hommage mérité à l’esprit de prévoyance de notre Conseil fédéral qui nous a littéralement sauvés de la famine. Mais ne nous laissons pas endormir par un optimisme trompeur. Si, d’une façon générale notre commerce et notre industrie ont été relativement florissants pendant ces trois premières années de guerre, nous sommes arrivés aujourd’hui à un stade qui bouleversera peut-être la situation économique de notre pays ; les matières premières commencent à s’épuiser, les importations deviennent de plus en plus difficiles, et le chômage, cette grande plaie sociale que nous avons pu éviter jusqu’à maintenant, pourrait bien faire face courageusement aux difficultés de l’heure par la mise en chantier des grandes œuvres déjà prévues et, au besoin, par des sacrifices communs. Cependant, les soucis matériels ne doivent pas nous détourner de la grande mission humanitaire er charitable de la Suisse. Berceau et siège de la Croix rouge internationale, nous avons une réputation à soutenir et un devoir à remplir. Qu’il soit permis à notre petit pays, grâce à cette magnifique organisation, d’apporter un baume aux misères sans nombre qui s’abattent sur les nations belligérantes.

A côté de cet organisme officiel, faisons une grande place à la charité privée : que chacun de nous, dans la mesure de ses moyens, contribue à créer un peu de bonheur chez ceux que le cataclysme mondial frappe si durement, en particulier chez les enfants, victimes innocentes de la guerre et espoirs d’un monde meilleur. Nous Suisses, qui n’avons aucune ambition conquérante, ayons une ambition plus haute, celle d’allumer et d’entretenir sur la montagne le feu sacré de la charité et de l’amour du prochain, afin que, lorsque l’ombre deviendra encore plus opaque dans ce monde, il y ait au moins un point lumineux vers lequel les peuples en détresse puissent porter leurs regards. C’est dans ces sentiments, mes chers concitoyens, que j’ai entendu donner ce soir sa vraie signification à notre fête nationale et que, rempli d’une confiance inébranlable en l’avenir de notre chère patrie suisse, je vous convie à chanter tout à l’heure avec ferveur le cantique suisse [hymne national suisse] ».
 

Utilisation

Fin du délai de protection:31/12/1942
Autorisation nécessaire:Aucune
Consultabilité physique:Sans restriction
Accessibilité:Publique
 

URL vers cette unité de description

URL:https://scopequery.vs.ch/detail.aspx?ID=396246
 

Réseaux sociaux

Partager
 
Accueil|Panier de commandeaucune entrée|Connexion|fr de en
Archives de l'Etat du Valais - Recherches en ligne