ACMy Marc Morand, 2020/2, C 1.5 a) Discours de Marc Morand, président de Martigny-Ville, à l’occasion de la Fête nationale suisse ou Fête du premier août. \ Suit : \ b) 02.08.1944. Article du journal « Le Confédéré » portant le titre « Chronique de Martigny. Le 1er août à Martigny-Ville »., 01.08.

Contexte de plan d'archivage


Niveau:Document

Zone d'identification

Cote:ACMy Marc Morand, 2020/2, C 1.5
Titre:a) Discours de Marc Morand, président de Martigny-Ville, à l’occasion de la Fête nationale suisse ou Fête du premier août.
Suit :
b) 02.08.1944. Article du journal « Le Confédéré » portant le titre « Chronique de Martigny. Le 1er août à Martigny-Ville ».

Dates

Période de création:01/08/1944

Support

Support / Träger:Papier, 1 exemplaire dactylographié avec corrections manuscrites (a), ainsi qu’un article imprimé (b).

Zone du contenu et de la structure

Contenu:a) 01.08.19443. Savoir :
« Au seuil de la sixième année d’une guerre sans précédent dans l’histoire du monde, nous avons l’appréciable privilège de pouvoir encore célébrer dans la paix l’anniversaire de la fondation de la Confédération suisse. Ce soir, les cloches de toutes nos églises mêlent leurs voix à celles qui, s’échappant de centaines de milliers de poitrines, s’élèvent vers le ciel pour exprimer avec de vieilles paroles, qu’elles se disent en français, en allemand, en romanche ou en italien, l’amour de la patrie et la gratitude qui animent ce petit peuple si providentiellement épargné, jusqu’à maintenant, des horreurs de la guerre.

L’histoire du Valais étant intimement liée à celle de la Confédération suisse dès ses origines, ce qui touche au passé de notre plus grande patrie fait aussi partie de notre patrimoine historique et fait battre nos cœurs de Valaisans à l’unisson de ceux de nos confédérés, en particulier des fils de la Suisse primitive et de celle des treize cantons. En effet, si la Valais n’a pas participé au pacte fédéral de 1291 ni à celui de 1315 [pacte de Brunnen signé après la bataille de Morgarten], il fut un des alliés les plus fidèles de la Confédération suisse dès les premiers siècles de l’existence de celle-ci, concluant et renouvelant au cours des ans ses alliances avec les confédérés. Est-il nécessaire de rappeler l’épopée du plus illustre des Valaisans, le cardinal Mathieu Schiner, conduisant au début du XVIe siècle les Suisses dans les riches plaines de la Lombardie et leur donnant Bellinzone et le Val Blenio ? C’est à lui surtout que les Confédérés doivent la conquête de Milan en 1512.

Sait-on suffisamment que lors de la brève existence de la République helvétique, créée en 1798, le canton du Valais a fait partie intégrante de cette république et qu’il a protesté de son attachement indéfectible à la Suisse, lorsque Napoléon Bonaparte décida de faire du Valais une république indépendante. C’est pourquoi, sans crainte d’un démenti par les historiens, nous pouvons affirmer que l’année 1815, considéré officiellement comme celle de l’entrée de notre canton dans la Confédération n’a fait que consacrer et sceller définitivement l’alliance qui nous unit à la Suisse. Mesdames et Messieurs, il serait trop long de retracer, même dans ses grandes lignes, le passé de notre patrie. Qu’il nous suffise d’évoquer le but primordial et supérieur du pacte de 1291, pour puiser en lui les raisons de tenir et d’espérer du peuple suisse.
En même temps qu’elle proclamait le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, l’alliance des trois cantons primitifs faisait aux Confédérés une obligation sacrée de défendre au besoin par la force leur indépendance et leur liberté contre tout ennemi, qu’il vienne de l’extérieur ou qu’il soit de l’intérieur. Ce serment, nos soldats l’ont prêté à nouveau lorsqu’ils furent appelés sous les drapeaux en 1939 et, chaque année, nos jeunes recrues avant de rejoindre leurs aînés dans l’armée, accomplissent le même acte solennel. Est-il besoin de le proclamer : le peuple suisse tout entier fait sien le serment de ses soldats, parce qu’il communie avec eux dans l’amour de la parie et parce qu’il sait aussi tout ce qu’elle représente pour lui.

« La patrie, disait un grand citoyen d’un pays voisin, c’est le cadre vivant des pensées, des émotivités de tout ordre qui vous assiègent de la naissance à la mort, pour une éducation synthétique de sensibilités organiquement liées que nous voudrions transmettre accrues à la postérité. » Mais, pour nous Suisses, la patrie c’est aussi le bastion de nos libertés, non seulement de notre indépendance et de nos libertés politiques, mais encore de nos libertés individuelles qui sont un des biens les plus précieux de l’homme, et sans lesquelles la vie ne vaut pas la peine d’être vécue.

Que n’a-t-elle pas été méprisée par certains Etats, cette liberté de l’individu, pendant les années qui ont précédé la grande guerre ! que de propos ironiques n’ont-ils pas été tenus à son endroit ! que de gens, heureux d’abdiquer leur personnalité, ne se sont-ils pas inclinés devant ceux qui proclamaient les bienfaits de la dictature ! mais aussi que d’humains d’aujourd’hui, privés de toute liberté, ne sentent-ils pas monter en eux le dégoût et la haine envers ceux qui bâillonnent leurs sentiments les plus intimes et, combien nombreux sont eux qui maintenant traduisent ces sentiments par la révolte de tout leur être, n’attendant plus rien d’une existence enchaînée !
Comme il arrive souvent aux objets, c’est lorsqu’on veut nous en ôter l’usage qu’ils paraissent précieux et indispensables. Ainsi en est-il de la liberté. Elle semblait chose morte pour beaucoup et voici qu’elle veut revenir à la vie. La liberté n’est pas à nos yeux de Suisses une notion abstraite, une idéologie, mais la condition pratique de notre existence. Le mot de liberté est resté pour nous un mot noble qui a gardé toutes ses vertus. Sans la liberté, il n‘y a plus de pensée, plus de critique, plus de choix, plus d’art, plus rien de ce qui fait l’honneur humain, On pourrait même soutenir que sans la liberté, il n’y aurait plus ni conscience ni espérance. L’homme n’aurait d’autre histoire que celle de l’Etat Moloch auquel il appartient, disait un écrivain suisse trop tôt disparu. Au contraire, la liberté implique le respect de la personnalité humaine, la confiance en la valeur individuelle du citoyen, et consacre en même temps sa responsabilité personnelle. La liberté individuelle est la véritable liberté moderne ; la liberté politique, certes indispensable, n’en est que la garantie. Pour nous Suisses, cette liberté est la clef de voûte d’un système politique et social qui a fait ses preuves pendant six siècles et demi. Voilà pourquoi, si nous voulons que la Suisse ait raison de subsister, nous devons nous opposer avec une énergie farouche à toutes les doctrines contraires à la liberté. Tout peuple qui s’endort en liberté, se réveillera en servitude. La Suisse demeurera une terre de liberté ou ne sera plus.

Mais la liberté ne se conçoit pas sans une forte discipline : discipline sur soi-même et discipline collective : « La vraie liberté, a dit Montaigne, c’est de pouvoir toute chose sur soi ». Ce qui revient à dire que toute liberté authentique. Loin d’être une licence, est une contrainte. L’homme le plus libre doit être l’homme le plus discipliné. Le pays le plus libre est, dès lors, celui qui exige de tout citoyen cette obéissance aux lois qui est la plus forte garantie de son indépendance. La liberté ne se conçoit pas sans le respect de l’ordre et de la loi, sinon elle devient licence. Voilé pourquoi la liberté doit être agissante et ne peut être maintenue qu’au prix d’un constant effort de la volonté. Mais, peuple de démocrates, nous devons aussi savoir accepter les restrictions à la liberté qu’impose la gravité des temps et faire confiance à nos chefs. De leur côté, ceux qui sont aux responsabilités dans notre pays, se doivent, à moins d’ébranler cette confiance, maintenir le contact avec le peuple qui les a élus. Ce contact nécessaire, proclamons-le tout de suite, ne consiste pas à satisfaire tous les désirs du peuple ; il réside dans une connaissance intime de ses besoins profonds et supérieurs, de son intérêt réel et persistant qu’il s’agit de lui faire comprendre, admettre et souhaiter.
Le meilleur moyen de servir le peuple, permettez-moi de vous le dire, citoyens, est non de le suivre dans toutes ses revendications, mais de le guider dans ses aspirations. C’est l’honneur et le mérite de nos hautes autorités de l’avoir compris en veillant avec un soin jaloux, pendant les année exceptionnellement difficiles que nous traversons, à assurer par des mesures appropriées non seulement l’indépendance de notre pays en même temps que sa neutralité dans le grand conflit, mais aussi la paix sociale intérieure. En effet, le peuple suisse, restant fidèle à sa belle devise nationale, poursuit courageusement et généreusement l’aménagement toujours plus fraternel de sa vie économique et sociale. Cette solidarité se manifeste heureusement, entre autres par l’institution des caisses de compensation qui permettent aux militaires d’accomplir leur devoir à l’armée sans être constamment obsédés par le souci d’entretien de leur famille, par l’octroi de la part de très nombreux patrons de suppléments de salaire à leurs employés et ouvriers en raison du renchérissement de la vie, par la conclusion de contrats collectifs de travail, par la création – aussi bien par des entreprises privées que par les pouvoirs publics – de caisses de secours et d’assurances, de caisses de retraite, d’invalidité et survivants.

Et enfin, les autorités fédérales, cantonales et communales prennent d’ores et déjà, par de vastes projets de travaux publics, leurs dispositions en vue de parer au chômage qui risque d’atteindre la classe ouvrière dans la période d’après-guerre. Qui oserait sérieusement prétendre que ces mesures n’ont pas créé dans notre pays un climat favorable à la paix sociale ! Quel est le citoyen suisse, si humble soit sa position sociale ou précaire sa situation économique, qui ne se félicite pas d’appartenir à ce pays où la vie a encore un sens ! Quel est le Suisse de bonne foi qui n’éprouve pas de la reconnaissance envers la Providence qui nous protège [? peu lisible], envers nos autorités dont l’œuvre bienfaisante a permis à notre patrie de vivre ces cinq années de guerre mondiale dans la paix et sans des sacrifice trop lourds pour ses fils.
Mes chers concitoyens, nous ne savons pas si la Suisse conservera l’immense privilège d’être épargnée par cette guerre monstrueuse. Nous voulons l’espérer. Mais ne nous laissons pas bercer par des espoirs trompeurs ; personne ne sait ce que l’avenir nous réserve, les peuples les plus pacifiques ont été entraînés dans la tourmente. Il est cependant une chose certaine : depuis quelques semaines, la guerre se rapproche de nos frontières, non seulement celle qui met aux prises les armées régulières, mais celle plus insidieuse et également dangereuse qui s’est déclarée entre les forces de la résistance et celles de la puissante occupante ou des collaborationnistes.

Dans cette période de la guerre qui en est peut-être la phase finale, des mouvements révolutionnaires sont possibles, des actes de représailles sont même probables, lesquels pourront provoquer des guerres civiles non moins redoutable que l’autre. Notre pays, qui héberge déjà plus de 80'000 réfugiés et internés, n’acceptera pas de devenir le champ de bataille de ces armées d’un nouveau genre et encore moins d’être entraîné à son tour dans une guerre civile ou dans une révolution par l’un ou l’autre des courants qui s’opposent. Une vigilance accrue est donc l’impérieux devoir de nos autorités et de notre armée et j’ajoute, de notre peuple tout entier. Nous savons que nos magistrats et nos soldats ne failliront pas à leur mission et que jamais ils n’admettront que le sol sacré de la patrie soit violé par l’envahisseur à quelque pays qu’il appartienne. Nos chefs ont toute notre confiance, mais à notre tour, efforçons-nous de mériter la leur, non seulement en acceptant de bon cœur les sacrifices que nous impose la malice des temps, car ce serait alors simple passivité de notre part, mais par une collaboration active et collective, guidée par le sentiment qu’au-dessus de l’individu, l’Etat a un but commun qui ne sera atteint que par les efforts réunis de tous. Personne n’a le droit de se décharger sur autrui du soin de protéger et de défendre le trésor de la liberté, de progrès politique et social péniblement acquis par six siècles et demi de persévérant labeur.
Mes chers concitoyens, je ne voudrais pas ce soir quitter cette tribune sans adresser un pensée de sympathie émue aux populations voisines de notre canton si cruellement éprouvées par la guerre, avec tout le cortège de malheurs, de privations, de douleurs et de deuils qui l’accompagne. Tous, sans exception, nous compatissons à leurs immenses souffrances, et nous exprimons l’espoir que dans un proche avenir la paix si ardemment désirée viendra y mettre un baume, sinon un terme. Quant à nous, si providentiellement échappées aux horreurs de la guerre jusqu’à maintenant, nous saurons faire une grande place à la charité tant privée que publique : nous nous efforcerons dans la mesure de nos moyens d’apporter un peu de réconfort moral et matériel à ceux que le cataclysme mondial frappe si brutalement. Citoyens, malgré la gravité exceptionnelle de l’heure présente, regardons courageusement et avec confiance vers l’avenir. Comme nos ancêtres qui ont su triompher des difficultés insurmontables qui ont jalonné la laborieuse histoire du peuple suisse, nous saurons résoudre la tâche ardue et les grands problèmes des temps nouveaux avec l’ardent souci de mettre au service de notre pays toutes les qualités d’une haute préoccupation civique, individuelle et collective. Vive notre chère patrie suisse ! Vive notre Valais ! »
 

Utilisation

Fin du délai de protection:31/12/1944
Autorisation nécessaire:Aucune
Consultabilité physique:Sans restriction
Accessibilité:Publique
 

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