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ACMy Marc Morand, 2020/2, C 1.6 Discours de Marc Morand, président de Martigny-Ville, à l’occasion de la Fête nationale suisse ou Fête du premier août., 01.08.1946 (Document)
Contexte de plan d'archivage |
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Niveau: | Document |
Zone d'identification |
Cote: | ACMy Marc Morand, 2020/2, C 1.6 |
Titre: | Discours de Marc Morand, président de Martigny-Ville, à l’occasion de la Fête nationale suisse ou Fête du premier août. |
Dates |
Période de création: | 01/08/1946 |
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Support |
Support / Träger: | Papier, 1 exemplaire dactylographié avec corrections manuscrites. |
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Zone du contenu et de la structure |
Contenu: | Savoir : « Mes chers concitoyens, Mesdames, Messieurs, d’un bout à l’autre de notre pays, les cloches de nos églises et de nos temples et les feux sur les montagnes viennent de nous rappeler que, il y a 655 ans, de hommes résolus d’Unterwald, de Schwytz et d’Uri se rencontraient sur la prairie du Grütli pour conclure une alliance éternelle [tracé : origine de notre Confédération] par un pacte formant aujourd’hui encore la base de nos institutions et qui est la raison d’être de cette Suisse, si diverse par les races, les langues, les confessions religieuses et les coutumes de ses habitants, mais une par le patriotisme et sa volonté d’indépendance. « A toujours si Dieu le veut » proclamait le pacte [tracé : telle est encore notre ardente prière].
Citoyens, l’année dernière nous célébrions notre fête nationale dans l’euphorie de la paix retrouvée en Europe après six ans de la guerre la plus terrible qu’ait connu l’humanité. Beaucoup saluaient déjà l’aube d’une ère de paix et de fraternité entre les peuples. Le fléau de cette guerre totale, frappant aussi bien la population civile que les soldats, paraissait banni à tout jamais. C’était, proclamait-on alors, la victoire définitive des démocraties sur les puissances qui avaient tenté d’instaurer dans le monde leur hégémonie par la soumission des autres pays à leurs doctrines totalitaires et raciales. La liberté des peuples de disposer d’eux-mêmes, et celle des individus d’exprimer leur pensée, en un mot la liberté dans tout ce qu’elle comprend d’idéal, déterminerait les décisions des pays victorieux, fidèles aux principes de la Charte de l’Atlantique [14.08.1941]. |
| Hélas, une année après la fin de la guerre [tracé : mondiale], cette paix tant désirée et célébrée, paraît encore bien lointaine et incertaine, malgré la conférence [tracé : de la Paix] qui s’est ouverte au début de cette semaine [soit la Conférence de Paris (29.07.1946-15.10.1946) dite « Conférence des 21 nations » pour mettre fin à la Seconde Guerre mondiale, aboutissant au Traité de Paris (1947)]. Les canons se sont tus, les bombardements meurtriers et aveugles ont cessé, la guerre est terminée, mais la paix n’est pas encore acquise. Tandis que, après la Première guerre mondiale de 1914 à 1918, chacun était persuadé d’une paix durable grâce en particulier à la Société des Nations qui établirait un contact et un lien permanents entre les Etats, tandis que la réduction, sinon le suppression des armements était discutée dans la fameuse Conférence du désarmement [soit la Conférence pour la réduction et la limitation des armements de 1932-1934, dite parfois « Conférence mondiale du désarmement » ou « de Genève »], que le célèbre pacte de Kellog [soit le pacte Briand-Kellog, ou pacte de Paris de 1928] mettait officiellement la guerre hors la loi. Aujourd’hui aucune puissance, aucun peuple ne parle de désarmer ou de réduire sa force militaire. Au lieu d’appliquer le principe juste et logique : « Si vis pacem, para pacem » – « Si tu veux la paix, prépare la paix », on semble vouloir en rester au vieil adage : « Si vis pacem, para bellum » – « Si tu veux la paix, prépare la guerre ». Preuve en soit les forces armées que maintiennent sur pied certaines grandes puissances pour appuyer leur politique, la fabrication continue d’engins de guerre, et aussi les expériences récentes de la bombe atomique à Bikini [Iles Marshall, Océan pacifique]. |
| Trop d’intérêts se contredisent, trop d’idéologies se heurtent, trop de fautes ont été commises et trop d’égoïsme règne encore dans le monde, pour qu’une véritable pacification des esprits puisse naître [tracé : sans heurts et] sans d’immenses difficultés et sacrifices de toutes sortes. Il serait puéril de croire au coup de baguette magique relevant le monde de ses ruines pour en édifier un nouveau dans la [tracé : paix] liberté et le respect de l’indépendance des peuples. Aussi longtemps que l’esprit de domination régira la politique d’un pays et que l’on voudra imposer aux peuples des régimes qui ne leur conviennent pas, la vraie paix ne sera pas possible, car l’histoire est là pour nous enseigner la tyrannie et l’intolérance mènent fatalement au militarisme et à la guerre. A nous, [tracé : providentiellement échappés aux horreurs de la guerre] préservés de la dernière tourmente, de tirer les leçons et les conclusions des événements passés et actuels. Petit pays au cœur d’une Europe en feu, aux frontières d’une puissance de proie, nous devons [tracé : d’avoir été préservés de la guerre] notre salut d’abord à notre résolution inébranlable de défendre notre sol contre tout envahisseur et aux mesures militaires qui en découlaient et que nous avons prises avec tous les sacrifices qu’elles comportaient. Le rapport du général Guisan [1874-1960, nommé général commandant en chef de l'armée suisse durant la Seconde guerre mondiale] au Conseil Fédéral [soit le « rapport du Grütli », 25.07.1940] en est le témoignage irrécusable. Sans le bastion des Alpes constitué par le réduit national, sans nos braves soldats prêts au sacrifice suprême, notre pays eut vraisemblablement entraîné dans la [tracé : tourmente] grande bataille, car le danger d’invasion nous a menacés au moins trois fois de 1939 à 1945.
Notre reconnaissance va donc à nos soldats qui, après avoir servi la patrie sous les drapeaux, sont rentrés dans leur foyer et servent encore aujourd’hui par l’accomplissement consciencieux des [tracé : actes] tâches que leur impose leur profession ou leur métier. Mais, si la guerre nous a épargnés, nous devons aussi en chercher la cause dans l’union magnifique qui n’a cessé de régner pendant les hostilités entre les diverses régions et les citoyens de notre patrie, et aussi dans l’effort accompli par le peuple suisse tout entier. Restons donc vigilants et unis ! C’est à ces conditions seulement que la Suisse pourra conserver le bienfait inestimable de la paix et continuer sa mission de charité si un nouveau conflit armé devait éclater. |
| Le 19 août 1945 [19.08.1945], lors de l’inoubliable salut aux drapeaux de l’armée rassemblés devant le Palais Fédéral à Berne, le général Guisan disait : « La solidarité qui nous a soutenus pendant la guerre doit demeurer notre force dans les années qui suivent. Le passé est une leçon et un gage pour l’avenir. L’ignorer, le renier, c’est s’offrir désemparé aux vents de tempête qui agite encore le monde. Le prolonger, c’est s’assurer le maximum de chances de vaincre les difficultés qui nous attendent ». Paroles profondes et d’actualité que chacun de nous se doit de méditer. Cette solidarité, pierre d’angle de notre édifice national, nous la manifesterons par une collaboration toujours plus étroite entre les diverses classes de notre population et notamment par une politique sociale avancée. L’assurance en faveur des vieillards, des veuves et des orphelins doit être mise sous toit au plus tout [future A.V.S.]. Le régime transitoire actuel est nettement insuffisant doit faire place à une assurance dont les rentes seront assez élevées pour permettre à chacun d’envisager l’avenir sans crainte de vivre dans la misère ou par la charité d’autrui.
Dans cet ordre d’idée, je me plais à reconnaître l’esprit social dont ont fait preuve plusieurs de nos maisons de Martigny en créant pour leur personnel soit des caisses de retraite et d’invalidité, soit un fonds de prévoyance sociale. Elles donnent ainsi un bel exemple de compréhension pour la situation matérielle de leurs employés et des familles de ceux-ci ; elles marquent cette nouvelle ère de collaboration entre employeurs et employés, facteur essentiel de la paix sociale dont les bienfaits se répercutent sur toute la vie d’un pays. Je me fais l’interprète des autorités et de notre population en exprimant à ces maisons nos sentiments de gratitude pour leur geste. Est-il besoin de souligner aussi le bienfait des caisses de compensation pendant la durée du service actif de notre armée. Cette institution qui impose à beaucoup des sacrifices considérables n’a jamais fait l’objet de l’ombre d’une critique. Pourquoi ? parce que dès le début chacun de nous en a reconnu l’équité et l’esprit de solidarité. Et aujourd’hui, bien que le [tracé : sacrifice] service actif soit terminé, ces caisses continuent à subsister amassant des réserves considérables, sans récrimination sérieuse des contribuables. Pourquoi encore ? parce que notre peuple connaît les nouvelles tâches sociales qui l’attendent et voit dans cette institution un des éléments propre à aider puissamment à leur réalisation. Ces constatations sont éminemment réjouissantes. Elles sont pour nous tous un sérieux motif de confiance et de foi en les destinées de notre pays. Elles prouvent qu’en Suisse la solidarité n’est pas un vain mot et qu’elle a non seulement pour base notre belle devise nationale, mais aussi, et je dirai même surtout, le sentiment de la responsabilité dans les affaires du pays qui anime chaque citoyen suisse, dans une mesure plus ou moins grande évidemment. |
| Et l’affirmation de cette responsabilité individuelle, à mon avis nécessaire à la bonne marche des Etats, m’amène à proclamer, une fois de plus, le rôle néfaste des régimes totalitaires qui diminuent et méprisent la valeur de la personne humaine, considérant celle-ci comme un simple instrument de leur volonté, la privant de toute initiative et, par voie de conséquence, lui faisant perdre jusqu’à la notion même de [tracé : la responsabilité] sa dignité. Puisse la Suisse ne jamais connaître cette mentalité ; car dès le moment où l’on aura tué l’initiative privée et la liberté individuelle, notre pays aura cessé d’exister. Sans doute les tâches écrasantes et les besoins accrus de l’Etat rendent de plus en plus nécessaire son intervention en matière politique, économique et sociale, mais nous Suisses, nous nous refuserons toujours à admettre un gouvernement tout puissant ravalant le citoyen au rôle d’un simple pion sur l’échiquier, ne lui laissant pas même le droit de penser. L’Etat doit être le guide et en même temps le serviteur du peuple qui, lui, est le vrai souverain. C’est dire que notre pays se doit de conserver l’esprit du Grütli, tout imprégné de l’idéal démocratique.
Mais, ainsi que l’écrivait un journaliste romand : « ce terme de démocratie, d’un usage si fréquent de nos jours, n’a pas le même sens pour tous et il recouvre des réalités contradictoires suivant qui le prononce ou l’écrit. La démocratie, telle que nous l’entendons, est un système de gouvernement fondé, non sur la force, non sur la volonté d’un homme ou d’une oligarchie, mais sur le consentement populaire ; c’est un régime où des individus inégaux entre eux sont pourtant soumis aux mêmes lois, où la constitution et les lois dépendent directement ou indirectement de l’approbation du peuple, un régime où le peuple a le droit d’exprimer librement son opinion et où la justice est indépendante, en un mot c’est un régime où tout être humain est une personne et doit être traité comme tel ». Mes chers concitoyens, c’est en continuant à [tracé : s’imposer] s’inspirer de ces principes que la Suisse méritera sinon la sympathie du moins le respect des autres peuples. Petite en superficie et pauvre de richesses matérielles, souveraine pourtant par son effort séculaire vers une civilisation vraiment humaine, vers le développement harmonieux des forces matérielles et spirituelles. La suisse portera le flambeau des idées généreuses et du progrès dans l’ordre et la liberté. Elle présentera au monde l’image d’un peuple uni, loyal, animé, par un esprit de collaboration et d’entr’aide résolument pacifique et constructeur. C’est sur ces paroles de confiance, Mesdames et Messieurs, que je [tracé : termine en m’écriant] m’écrie : « Vive notre chère patrie ». |
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Utilisation |
Fin du délai de protection: | 31/12/1946 |
Autorisation nécessaire: | Aucune |
Consultabilité physique: | Sans restriction |
Accessibilité: | Publique |
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URL: | https://scopequery.vs.ch/detail.aspx?ID=396248 |
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