CH AEV, AP Ayer, 2022/46, 1.3/10 Arrêt du Tribunal fédéral suisse, première section civile, relatif à la plainte de la Banque de commerce et de crédit contre le comité paroissial du village d'Ayer, 28.09.1926 (Document)

Contexte de plan d'archivage


Niveau:Document

Zone d'identification

Cote:CH AEV, AP Ayer, 2022/46, 1.3/10
Titre:Arrêt du Tribunal fédéral suisse, première section civile, relatif à la plainte de la Banque de commerce et de crédit contre le comité paroissial du village d'Ayer

Dates

Période de création:28/09/1926

Support

Support / Träger:Papier
Nombre d'unités matérielles / Anzahl Einheiten:1 cahier
Description de sceau:22x34,7

Zone du contenu et de la structure

Contenu:Transcription:

"Dans la cause civile pendante entre la Banque de Commerce et de Crédit S.A. à Lucerne, demanderesse et recourante, représentée par Me. Brunet, avocat Genève, et le Comité paroissial du village d’Ayer (Valais), défendeur et intimé, représenté par Me. Meyer de Stadelhofen, avocat à Genève. Les faits suivants résultent du dossier et du jugement rendu le 21 mai 1926 par la Cour de Justice civile du Canton de Genève.
A.- Le 5 décembre 1915 s’est constituée à Ayer une association ayant pour but « la construction d’une chapelle et l’érection d’un Rectorat au village d’Ayer ».
Dans la suite, cette association décida de recourir à une loterie pour se procurer les fonds nécessaires à son entreprise, et de remettre à la Banque Peyer et Bachmann, à Genève, le soin d’organiser cette loterie. Elle chargea son comté de poursuivre les négociations et de conclure un arrangement.
Le 6 janvier 1921 intervint entre le Comté paroissial du village d’ayer et la Banque de Commerce et de Crédits S.A. (anciennement Peyer et Bachmann), alors à Genève, un contrat par lequel le Comité cédait à la Banque un droit exclusif à l’émission et à la vente de billet de loterie en faveur de l’Eglise d’Ayer (500'000 numéros à 1 fr. le billet). La Banque prenait à sa charge les frais d’émission, de placement, de réclame, et le payement des lots. Elle garantissait au Comité paroissial la somme totale nette de 100'000 francs, destinée exclusivement à éteindre les dettes de l’Eglise d’Ayer. Cette somme était stipulée payable comme suit :
Frs 10'000 au 30 septembre 1921
Frs 20'000 au 31 décembre 1921
Frs 25'000 au 31 décembre 1922
Frs 25'000 au 31 décembre 1923
Frs 20'000 au 31 décembre 1925
La clause huitième du contrat était de la teneur ci-après : « En cas de guerre entre la Suisse et autre pays ou en cas de guerre civile ou d’une révolution en Suisse, nécessitant une mobilisation générale, les termes prévus dans l’art. 4 concernant les versements encore à effectuer par la Banque de Commerce et de Valeurs à Lots S.A. au Comité paroissial d’Ayer seront prolongés de la durée des hostilités. En cas d’une nouvelle loi fédérale sur les loteries, dont les effets, à partir du moment de son entrée en vigueur, restreindraient l’écoulement des billets de la susdite loterie de sorte qu’il en résulterait une prolongation dans le placement des billets, le Comité paroissial d’Ayer s’engage à en tenir compte également en ce qui concerne les délais de versement prévus à l’art. 4, après entente des deux parties, sans cependant dépasser le 31 décembre 1925 pour le paiement du solde encore dû par la Banque de Commerce et de Valeur à Lots S.A. »
La banque effectua à temps voulu les deux premiers versements, de 10'000 et de 20'000 frs. Elle versa le 2 janvier 1923 un acompte de 10'000 frs sur la somme de 25.000 échue le 31 décembre, et demanda pour le solde un délai jusqu’au 31 mars 1923. Elle invoquait la persistance de la crise économique et les difficultés qui en résultaient dans l’écoulement des billets de la loterie. Ce délai lui fut tacitement accordé, et le solde de 15'000 frs payé dans la suite. A l’échéance du 31 décembre 1923, la Banque ne versa derechef qu’un acompte de 10.000 frs ; elle écrivit alors au Comité paroissial d’Ayer : « … quant au solde de l’échéance à fin décembre, nous vous prions de bien vouloir patienter quelques mois. Nous pensons le régler comme l’année dernière. Nous devons vous dire que la vente est extrêmement difficile d’une part à cause de la crise économique qui continue à sévir, et d’autre part à cause des dispositions législatives toujours plus restrictives des cantons ».
En fait, le solde de 15'000 frs de la quatrième échéance ne fut pas versé. Le 29 février 1924, la banque exposa ce qui suit au Comité paroissial : « Occupés à la révision et à l’arrêté de nos comptes, nous avons constaté que nous avons payé frs 65'000 sur les 100'000 qui constituent le maximum du bénéfice forfaitaire de cette opération, à condition que l’émission de 500'000 billets soit vendue. Or, sur les 800'000 billets des deux loteries à Ayer et Sierre, nous n’avons écoulé jusqu’ici que 120'000, dont la proportion votre émission, soit 5/8, est de 75.000 billets. Vous constaterez certainement avec nous que les paiements que nous avons effectués dépassent de beaucoup la proportion de nos encaissements. Nous avons cependant fait toutes diligences et encore ces derniers temps, vous le savez, pour l’écoulement des billets, mais d’une part la crise que nous traversons et qui se prolonge au-delà de toutes prévisions, et, d’autre part, les restrictions apportées par certains cantons à la vente des billets de loterie ne nous permettent pas de continuer à effectuer des paiements à découvert. Nous continuerons à consacrer tous nos efforts à l’écoulement des billets de cette loterie, mais nous ne pourrons reprendre nos versement sur le bénéfice forfaitaire que lorsque la proportion des billets vendus sur la totalité de l’émission sera en rapport avec ce que nous avons déjà payé sur la totalité de vos participations ».
Le Comité paroissial n’admit pas cette manière de voir et fit notifier à la Banque, en novembre 1924, un commandement de payer de 15'000 frs avec intérêts au 6% dès le 31 décembre 1923, qui fut frappé d’opposition. Le Tribunal de première instance de Genève prononça la mainlevée provisoire, le 2 février 1925.
La débitrice recourut à la cour de Justice civile qui déclara son appel irrecevable, le 9 mars 1925.
Sur ce, la Banque ouvrit action en libération de dette. De son côté, le Comité paroissial d’Ayer demanda et obtint la prise d’inventaire des bien de la Banque poursuivie, laquelle a transféré son siège à Lucerne.
B.- Par le jugement du 27 novembre 1925, le Tribunal de première instance de Genève a débouté la demanderesse de ses conclusions en libération de dette.
Statuant le 21 mai 1926, sur appel de la banque, la Cour de Justice civile a confirmé ce jugement.
C.- La demanderesse a formé en temps utile un recours en réforme concluant à ce qu’il plaise au Tribunal Fédéral annuler la décision des instances cantonales, adjuger en conséquence à la recourante ses conclusions tant sur l’annulation de la poursuite pour défaut de vocation du créancier qu’en libération de dette, et condamner l’intimé à tous les frais et dépens, subsidiairement, renvoyer la cause aux instances cantonale pour procéder à l’instruction sollicitée par la recourante.
A l’audience de ce jour, l’intimé a conclu au rejet du recours et à la confirmation du jugement attaqué.
Statuant sur ces faits, et considérant en droit :
1.- La recourante soutient en première ligne que le Comité paroissial d’Ayer, organe directeur de l’association, n’aurait pas qualité pour plaider en son nom personnel, en se substituant à l’association. Cette exception est certainement dénuée de valeur. En effet, d’après son acte constitutif, l’association ne s’est donné aucun nom ; elle n’était d’ailleurs point tenue d’en choisir un. Mais dans la convention signée le 6 janvier 1921, les termes « Comté paroissial du village d’Ayer (Valais) » désignant évidemment l’association elle-même. Celle-ci a donc adopté après coup la dénomination de Comité paroissial d’Ayer, comme elle en avait incontestablement le droit. La recourante serait mal venue à critiquer ce choix, du moment qu’elle a accepté de contracter avec l’association désignée sous le nom de Comité paroissial d’Ayer. Ce n’est donc pas la direction qui a poursuivi la Banque et qui plaide en son nom personnel, mais bien l’association elle-même qui a fait notifier le commandement de payer et qui est défenderesse à l’action de libération de dette. La recourante joue sur les mots ; rien ne s’oppose à ce qu’un association porte le nom de Comité et ait un comité comme organe directeur ; l’association et la direction n’en demeurent pas moins distinctes,
2.- La thèse de la recourante d’après laquelle le payement de la somme de frs 100.000 stipulée le 6 janvier 1921 serait subordonné à la condition que les 500.000 billets de loterie soient entièrement vendus est évidemment insoutenable. A teneur du contrat, les versements devaient se faire à date fixes, et les difficultés éventuelles dans le placement des billets ne pouvaient donner lieu à des prolongations d’échéances que dans les cas énumérés limitativement à l’article 8, soit en cas de guerre entre la Suisse et un autre pays, en cas de guerre civile ou d’une révolution, nécessitant une mobilisation générale, ou en cas d’entrée en vigueur d’une nouvelle loi fédérale sur les loteries. Les termes clairs du contrat ne permettent aucune interprétation de ses clauses. Aussi bien la banque elle-même a-t-elle effectué sans autre le premier, le second et une partie du troisième versement ; il ne lui est pas venu à l’idée, en janvier et en décembre 1923, d’invoquer la condition dont elle voudrait se prévaloir aujourd’hui ; elle s’est bornée alors à demander des prolongations de délai en alléguant l’existence de circonstances particulières. Et dans sa lettre du 29 février 1924, elle n’a pas prétendu non plus qu’elle fût au bénéfice d’une condition suspensive d’après laquelle elle ne serait tenue de payer la somme de 100'000 frs qu’après la vente de tous les billets de loterie, elle a simplement soutenu qu’elle était en droit de proportionner ses versements sur le bénéfice forfaitaire à la mesure de ses encaissements. C’est en vain que l’on chercherait dans le contrat une base quelconque à cette dernière prétention.
3.- Malgré les considérants décisifs des juges de mainlevée, la recourante, dont l’intention paraît être avant tout de gagner du temps, a cru devoir reprendre son argument manifestement erroné consistant à prétendre que le solde de 15'000 frs qui lui est réclamé ne serait pas échu parce qu’elle serait fondée à invoquer la clause huitième du contrat prévoyant une prolongation des délais en cas de nouvelle loi fédérale sur les loteries. La loi fédérale du 8 juin 1923 n’est entrée en vigueur que le 1er juin 1924, soit après l’échéance du 31 décembre 1923, fixée par le payement du quatrième acompte dont le solde fait l’objet de litige. Or, les parties n’ont réservé la possibilité de prolongation des délais que pour les échéances postérieures à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi. Cela résulte des termes mêmes de la clause huitième vise les effets d’une nouvelle loi fédérale « à partir du moment de son entrée en vigueur ». Il est certes possible qu’avant sa promulgation déjà, la loi fédérale sur les loteries ait exercé une influence sur la vente des billets de la loterie d’Ayer, comme le soutient la recourante, parce que les travaux préparatoires auraient descrédité les loteries dans le public et créé à leur endroit une atmosphère hostile, mais lors de la signature du contrat, les parties n’ont pas tenu compte de ces effets antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi.
4.- La recourante invoqua en outre la clausula rebus sic stantibus pour en tirer une exception. D’après elle, la situation se serait modifiée radicalement depuis le 6 janvier 1921 ensuite de la crise économique, de l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur les loteries et des dispositions restrictives édictées par les cantons en matière de vente de billets de loterie. Dans ces conditions, les exigences du Comité paroissial seraient contraires aux règles de la bonne foi et l’obligation d payer la somme stipulée au contrat serait devenue si onéreuse qu’elle causerait la ruine économique de la Banque.
L’on peut se dispenser d’examiner si l’exécution du contrat est d nature à conduire la recourante à sa ruine, car il n’est nullement établi qu’au cours de la période du 6 janvier 1921 au 31 décembre 1923 la survenance d’évènements imprévus et imprévisibles ait modifié totalement l’état des choses. La seconde condition exigée par la jurisprudence constante pour l’application de la clausula rebus sic standibus n’est donc pas remplie.
En effet, l’instance cantonale constate souverainement que la preuve d’une aggravation de la crise économique n’a pas été rapportée.
En ce qui concerne la loi fédérale sur les loteries, entrée postérieurement au 31 descendre 1923, les parties ont prévu sa promulgation et déterminé expressément quels seraient ses effets sur le payement du bénéfice forfaitaire. Elles ont pu, en outre, se rendre compte d’emblée de la portée de cette loi, puisque le Conseil Fédéral l’a présentée aux Chambre le 13 août 1918. Le projet renfermait déjà la plupart des dispositions spéciales que la recourante considère comme des obstacles à son activité ; s’il ne contenait pas, il est vrai, l’interdiction du colportage professionnel des billets de loterie, insérée aujourd’hui à l’art. 9, la banque ne devait pas ignorer toutefois que le projet pourrait être modifié et complété par les Chambres.
Quant aux mesures législatives prises par les cantons, La Banque devait également les prévoir comme des conséquences de la nouvelle loi fédérale, et penser qu’elles seraient arrêtées dans un esprit semblable à celui qui présida à l’élaboration de la loi fédérale, soit dans un esprit plus ou moins hostile aux loteries.
Les évènements qui se sont produits depuis le jour de la conclusion du contrat étaient donc prévus ou prévisibles. La recourante doit être censée avoir assumé les risques qu’ils comportent ; elle ne saurait dès lors exciper de la clausula rebus sic stantibus pour chercher à se libérer de ses engagements contractuels. Il n’existe pas en l’espèce de raisons exceptionnelles de s’écarter du principe pacta sunt servanda.
5.- Il ne convient point de s’arrêter aux autres moyens que la Banque demaderesse a fait valoir devant les premiers juges et qu’elle n’a pas expressément repris dans la procédure de recours. A cet égard, le Tribnal de céans se réfère aux constations de fait et adopte les motifs des instances cantonales.
Par ces motifs
Le Tribunal fédéral
Prononce :
I.- Le recours est rejeté et le jugement rendu le 21 mai 1926 par la cour de justice civile de Genève est confirmé.
II.- Sont mis à la charge de la recourante : a) un émolument de justice de frs 200.-, b) les frais d’expédition, par frs 39.- et les débours de la Chancellerie, par frs 5.80, c) une indemnité extrajudiciaire de frs 300.- due à l’intimé à titre de dépends.
III.- Le présent arrêt est communiqué en copie aux deux parties et à la Cour de Justice du canton de Genève.
Lausanne, le 28 septembre 1926."

Zone des conditions d'accès et d'utilisation

Numéro de boîte / Schachtelnummer:1
Langue:Français
 

Utilisation

Fin du délai de protection:31/12/1926
Autorisation nécessaire:Aucune
Consultabilité physique:Sans restriction
Accessibilité:Publique
 

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